Réforme du système de santé québécois: origine, objectifs et impacts - Projet de loi 15

Ayant plus de de 300 pages et modifiant 35 lois, le projet de loi vise notamment à réformer la gouvernance du système de santé en créant l’agence Santé Québec agence (Santé Québec), qui deviendra l’employeur unique du réseau de la santé.

Le ministre Dubé veut entièrement revoir la Loi sur les services de santé et les services sociaux (La plus grosse réforme du deuxième mandat du gouvernement Legault vise à améliorer l’accès aux soins.). La plus grande réforme du second mandat du gouvernement Legault vise à améliorer l'accès aux soins.

Ce texte aborde l’origine du projet de loi, ses objectifs et ses impacts.

L’origine du projet de loi no 15

La santé est de compétence provinciale au Canada. Il s’agit de systèmes nationaux de santé, où les provinces optent pour des solutions différentes pour faire face aux mêmes problèmes.

Au Québec, c’est en 1971avec l’adoption de la première Loi sur les services de santé et les services sociaux que le système de santé actuel voit le jour. La santé est le plus gros poste budgétaire de l’État québécois, puisqu’il est le principal assureur et administrateur du système. Ce poste représente plus de 40% de ses dépenses, en augmentation constante depuis près de 20 ans.

Les délais d’attente ne cessent de s’accroitre et l’accès aux soins se détériore depuis des décennies. Le vieillissement de la population n’est pas étranger à cette tendance. S’y ajoute désormais la pénurie de main d’œuvre en augmentation constante depuis près de 20 ans.

D’énièmes réformes ont tenté de juguler le problème et aucune d’entre elles n’ont eu de succès. L’idée d’instaurer un ticket modérateur ou de laisser davantage de place au secteur privé chemine à titre de solution à ces problématiques. Le financement du gouvernement fédéral est également une solution.

Bien que la santé soit un champ de compétence exclusif aux provinces, le gouvernement du Canada y a son rôle à jouer. Il a le pouvoir fédéral de dépenser. Il a également adopté en 1984 la Loi canadienne sur la santé.qui assure une cohérence entre les différents systèmes de santé au Canada afin qu’ils soient publics et universels.

Ainsi, le palier fédéral peut à la fois proposer du financement aux provinces en matière de santé et pénaliser financièrement les provinces qui ne respectent pas les principes de la Loi canadienne sur la santé..

Au printemps 2023, les gouvernements des provinces ont accepté l’offre du fédéral d’augmenter les transferts en santé de 46,2 milliards de dollars sur 10 ans, pour un total de 196,1 milliards de dollars. Les provinces jugent néanmoins l’offre insuffisante. Elles réclamaient depuis deux ans que le fédéral finance à la hauteur de 35% les coûts de santé. Avec cette entente, le fédéral contribuera à 24% des dépenses des provinces en santé.

À la suite de la pandémie, le ministre de la Santé Christian Dubé a à son tour enfourché la problématique. Celle-ci a mis en exergue plusieurs lacunes du système de santé, ce qui l’a inspiré pour son Plan Santé..

Présenté au printemps 2022, ce Plan a amorcé un changement dans le réseau de la santé afin de mieux prendre en charge les patients. Le Plan reprenait plusieurs promesses de la CAQ ors de la campagne électorale à l’automne 2022.

Il proposait par exemple de revoir l’organisation du personnel de la santé, de mieux accéder et utiliser les données du système de santé afin de faire un rattrapage technologique et de revoir l’accessibilité aux services.

L'avis de M. Dubé Plan Santé. était la genèse du projet de loi no 15, qui a été déposé un an plus tard. Avec ce projet de loi, le ministre de la santé veut entreprendre une vaste réforme de l’organisation du réseau de la santé.

La gouvernance du système de santé a fait l’objet de plusieurs réformes. Divers rapports ont fait état de la nécessité d’un changement de gouvernance et de culture au sein du réseau. Le dernier rapport en date de 2022 faisait état que plusieurs problèmes ont été accentués avec la pandémie.

Essentiellement,il s’agissait de l’accès aux services, la pénurie de main d’œuvre, le vieillissement de la population et l’accroissement des besoins de celle-ci, le manque de diligence et de capacité en ressources pour répondre aux problèmes sur le terrain, la désuétude des systèmes d’information et l’accès difficile aux données.

Le projet de loi no 15 vise à régler ces problèmes à l’aide de quatre objectifs : la séparation des orientations des opérations, le retour à une gestion de proximité, l’amélioration de l’accès aux services et la bonification de l’expérience patient.

Les objectifs

Séparation entre les orientations et les opérations – Création de l’Agence Santé Québec

Le point phare des quatre objectifs du PL 15 est la séparation entre les orientations et les opérations au ministère de la Santé par la création de l’agence Santé Québec (Santé Québec). De nouvelles règles de gouvernance et d’organisation des établissements permettraient une gestion de proximité et une plus grande fluidité des services.

Nommément, Santé Québec deviendrait une société d’État avec son propre conseil d’administration. Elle se chargerait de l’opérationnalisation des services par les établissements publics puis d’encadrer et de coordonner l’activités des établissements privés. Santé Québec serait au service des installations en exerçant les activités courantes et opérationnelles.

Le ministre de la Santé exercerait désormais des responsabilités axées sur la planification stratégique, tel que l’élaboration de programmes et de politiques, la détermination de grandes orientations et l’appréciation de la performance. Le ministère répondrait ainsi davantage aux besoins populationnels en reprenant son rôle de planification.

 

Retour à une gestion de proximité

Le PL 15 permettrait d’embaucher une personne responsable pour chaque installation, afin d’amorcer un changement de culture vers une gestion de proximité. La dernière réforme majeure en santé effectuée par les libéraux en 2015 avait aboli plus d’un millier de postes de gestionnaire.

Les services offerts par les différents sites seraient davantage adaptés aux besoins et aux réalités des milieux. Cette gestion de proximité serait personnalisée au contexte de chaque site. Néanmoins, il reste à voir dans quelle mesure les gestionnaires de proximité bénéficieront d’une réelle autonomie. Sans quoi la décentralisation ne serait pas aussi effective qu’annoncée.

Chaque site de Santé Québec serait dirigée par un PDG. Le CA de Santé Québec veillerait à leur nomination, qui ne serait plus assujettie aux règles usuelles de nomination de la fonction publique. Le ministre vise ainsi à aller chercher des « tops guns » pour diriger les établissements de santé.

 

Amélioration de l’accès aux services

Afin d’améliorer l’accès aux services de santé et aux services sociaux, le ministre de la Santé reverrait les responsabilités des médecins, renforcerait le coordination entre les établissements et consoliderait la gouvernance territoriale du réseau de la santé.

Les médecins spécialistes seraient soumis à un permis de pratique pour l’exercice d’activités médicales particulières au même titre que les médecins omnipraticiens. Cela inclurait entre autres des obligations de prise en charge et de disponibilité.

Santé Québec Avec le projet de loi, la gouvernance d’un établissement impliquerait la nomination d’un directeur médical de l’établissement et de deux directeurs médicaux territoriaux.

Selon le projet de loi, la gouvernance d'un établissement impliquerait la nomination d'un directeur médical de l'établissement et de deux directeurs médicaux territoriaux.

Nommé par le PDG d’un établissement et sous son autorité immédiate, le directeur médical est un médecin qui assurerait un encadrement de l’offre et de la disponibilité des services médicaux.

Sous l’autorité du directeur médical de l’établissement, les directeurs médicaux territoriaux de la médecine familiale et de la médecine spécialisée assureraient une meilleure continuité des services sociaux et de santé entre les installations d’un territoire donné.

 

Bonification de l’expérience patient

Également à titre de gouvernance, le PL 15 prévoit la création d’au moins cinq conseils par établissement, d’un conseil d’établissement et de plusieurs comités. D’abord, le conseil interdisciplinaire d’évaluation des trajectoires et de l’organisation clinique aurait pour objet « d’évaluer la qualité et la pertinence des soins et des services cliniques ».

Il serait composé de différents professionnels exerçant au sein de l’établissement. Il aurait le rôle central de notamment donner son avis au PDG et de lui faire des recommandations sur l’organisation de l’établissement et la distribution des soins et services.

Quatre conseils exerceraient des responsabilités envers le conseil interdisciplinaire : les membres du conseil des médecins, dentistes, pharmaciens et sage-femmes agiraient comme conseiller au conseil interdisciplinaire afin de favoriser la collaboration interprofessionnelle.

Les membres du conseil multidisciplinaire des services de santé et les membres du conseil des infirmières et des infirmiers agiraient également à titre de conseiller au comité interdisciplinaire.

Le conseil des services sociaux, regroupant les professionnels des disciplines psychosociales, agirait à titre de conseiller au comité interdisciplinaire pour l’évaluation des trajectoires et de l’organisation clinique.

Ensuite, chaque établissement de Santé Québec aurait un conseil d’établissement. Nommé par le CA de par Santé Québec,sa composition serait représentative de plusieurs milieux et inclurait des usagers et le PDG de l’établissement.

Chaque conseil d’établissement aurait pour fonctions d’évaluer annuellement l’expérience des usagers quant aux services de santé et sociaux offerts par l’établissement et les besoins socio-sanitaires des communautés desservies. Il donnerait son avis au PDG de l’établissement sur des sujets liés à la prestation de services et préparerait et adopterait un rapport annuel de ses activités afin d’en transmettre une copie à Santé Québec.

Enfin, le comité de vigilance et de la qualité agirait comme chien de garde afin de veiller à la qualité et l’accessibilité des services en veillant à ce que le conseil d’établissement s’acquitte de ses responsabilités à cet égard.

Les comités d’usagers et les comités de résidents seraient élus par les usagers afin de les représenter. Ils participeraient à l’évaluation de la satisfaction des usagers à l’égard des services rendus et soumettraient un rapport annuel au comité national des usagers.

Les comités de gestion de risques auraient pour mission d’analyser les risques d’accidents et d’en prévenir l’apparition, de s’assurer qu’un soutien est apporté à la victime et ses proches, puis s’assurer de la mise en place d’un système de surveillance des accidents et de recommander des mesures au conseil d’établissement si nécessaire.

Les impacts

Santé Québec deviendra l’unique employeur du réseau

Les accréditations syndicales seront fusionnées, ce qui aura deux bénéfices majeurs. L’État aura quatre table de négociations syndicales plutôt que 136, puisqu’il y en aura une par catégorie d’emploi. Les employés du réseau pourront changer de région sans perdre leur ancienneté, puisqu’elle ne reposera plus sur les établissements.

 

Gestionnaires de proximité dans chaque établissement

Chaque site de Santé Québec aura un gestionnaire imputable. Cela renforcera un sentiment de proximité des usagers et des employés à leur milieu. Les services seront plus accessibles et adaptés aux réalités des milieux. La nouvelle gestion de proximité permettra de libérer du temps au personnel afin qu’il se consacre aux soins des usagers plutôt que la paperasse.

 

Obligations accrues pour les professionnels de la santé

Les médecins spécialistes auront l’obligation de travailler sur des quarts moins populaires et dans des régions moins desservies. Des médecins responsables s’assureront de la qualité et de la disponibilité de l’offre de services médicaux dans chaque établissement. Les ressources devraient ainsi être mieux réparties afin de baisser les listes et le temps d’attente pour que les usagers bénéficient des services.

 

Expérience patient améliorée

L’organisation du réseau de la santé est remaniée vers la satisfaction des usagers, tel qu’avec la transformation des conseils d’administration en conseils d’établissement et la création du poste de commissaire national aux plaintes et à la qualité des services. Ces réformes visent à adapter le système à la rétroaction des usagers et à améliorer la reddition de compte envers ces derniers.

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